fut un véritable naturaliste, à la fois géologue, minéralogiste, paléontologiste, zoologiste, botaniste, à une époque où cela était encore possible.
Il eut notamment comme précepteur de 1785 à 1787 le coléreux Peyrard.
Collaborateur d'Haüy, Cuvier, Dolomieu, de Lamarck, Vauquelin, la minéralogie occupa dans sa vie scientifique une place importante bien qu'il soit devenu en 1821 Professeur de Minéralogie au Muséum (en remplacement d'Haüy) malgré lui, après avoir plutôt ambitionné, sans succès, les chaires de zoologie, puis de géologie de cet établissement. En 1797, il avait accepté de suppléer à Haüy à l'Ecole des Mines, puis en 1806 à l'Université. Membre de l'Académie des Sciences en 1807, il publia en minéralogie quelques ouvrages (Traité de minéralogie ( 1807) en 2 volumes; Introduction à la minéralogie (1824); Tableau des espèces minérales (1833)) et de nombreux articles. Il décrivit des nouvelles espèces minérales (bustamite, dufrénite, glaubérite, nacrite); on ne peut cependant pas dire qu'il ait réalisé en minéralogie de véritables découvertes comme il en fit en géologie ou en paléontologie. Nous rappellerons à ce sujet ses recherches avec Cuvier qui aboutirent au fameux ''Essai sur la géographie minéralogique des environs de Paris" présenté à l'lnstitut en avril 1808, (une version élargie de cette oeuvre complétée par une grande carte géologique colorée et plusieurs coupes fut publiée en 1811). Bien que nommée: ''Carte géognostique des environs de Paris'', il s'agit d'une véritable carte géologique, tenant compte de dix formations stratigraphiques allant de la craie aux ''limons d'atterrissement". Cet ouvrage étendait la durée des temps géologiques et montrait l'existence de terrains "formés sous l'eau douce" contrairement à la théorie neptuniste qui régnait alors; de plus, Brongniart utilisait intensément les fossiles pour établir des corrélations détaillées entre ses strates.
Sorti de l'Ecole des Mines et disciple de Daubenton, les recherches minéralogiques de Brongniart commencèrent vraiment après sa rencontre avec Dolomieu et surtout après celle d'Haüy dont il deviendra souvent le suppléant; Haüy lui apprit à distinguer les minéraux par leurs propriétés géométriques et optiques tandis qu'avec Vauquelin il réalisa de nombreuses analyses de minéraux. Avec de tels "patrons" on comprend que Brongniart ait exposé dans un mémoire de 1833 le principe essentiel de la minéralogie descriptive qui doit avant tout se fonder sur la composition chimique en tenant étroitement compte de la cristallographie. Les applications pratiques de la minéralogie étaient une des préoccupations majeures de Brongniart, cet état d'esprit étant certainement lié à son séjour à l'Ecole des Mines. C'est ainsi qu'il resta pendant 47 ans, jusqu'à sa mort, Directeur de la Manufacture de Sèvres où il appliqua ses connaissances en minéralogie et en chimie à la fabrication de céramiques. En 1837, Brongniart entreprit avec Delafosse la rédaction d'un grand ouvrage intitulé ' 'le Règne minéral ou Histoire naturelle des espèces minérales présentant leurs caractères et propriétés distinctives, leurs applications directes aux usages de la vie, leurs rapports entre elles, la place qu'elles occupent et le rôle qu'elles jouent dans la composition de l'écorce terrestre". L'ouvrage devait être prêt en 1838 et comporter trois volumes avec 15 à 20 planches. Brongniart avait cependant trop présumé de ses forces et à partir de 1843, Delafosse termina seul le travail.
Successeurs de Brongniart : Ebelmen à la Manufacture, Dufrénoy comme professeur au Muséum.Alexandre Brongniart était le fils du célèbre architecte, élève de Blondel et collaborateur de Gabriel, auquel on doit la Bourse de Paris et Saint Louis d'Antin. Sa mère, née Coquebert de Montbret, appartenait à une bonne famille de Reims, apparentée à Colbert et à Saint Jean Baptiste de la Salle. Alexandre a pour cousin le chimiste Fourcroy. Alexandre entre à l'Ecole des mines en novembre 1786, dans une promotion de 12 titulaires et 9 surnuméraires.
Un fils d'Alexandre Brongniart, Adolphe Théodore Brongniart (1801-1876) fut un botaniste célèbre, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris et membre de l'Académie des Sciences (1834) et de l'Académie de Caen. Il fut pionnier dans l'étude de la morphologie des plantes et de leur physiologie, et étudia les fossiles des plantes et le pollen. Sa classification des plantes servit de base à celle développée en Allemagne par Adolph Engler. Il fonda la Société botanique de France.Alexandre Brongniart eut pour gendre le très célèbre Jean-Baptiste André DUMAS (1800-1884), chimiste et homme d'Etat (député, sénateur, ministre de l'agriculture), professeur à la Faculté des sciences et à la Faculté de médecine de Paris, fondateur de l'Ecole centrale des arts et manufactures, membre de l'Académie française et de l'Académie de médecine, membre de l'Académie des sciences en 1832 et secrétaire perpétuel pour les sciences physiques en 1868, grand-croix de la Légion d'honneur en 1863.
Extrait du Livre du Centenaire de l'Ecole Polytechnique (1794-1894), tome III page 205 :
C'est en 1800 que les Ingénieurs des Mines entraient à la manufacture de Sèvres avec Alexandre Brongniart. La manufacture, gouvernée par un comité, était sous la Révolution tombée dans le plus grand désordre. Berthollet avait désigné Brongniart au Premier Consul, à raison de ses connaissances scientifiques et de ses relations artistiques (liées à son père, le célèbre architecte). Le choix fut heureux. Sous son administration éclairée, active et prévoyante, la manufacture reprit pour près d'un demi-siècle, de 1800 à 1847, le rang qui lui revenait. La blancheur des pâtes, le glacis des couvertes, la légèreté des pièces de service, les grandes dimensions des pièces décoratives, la beauté des couleurs concoururent à rétablir la réputation des porcelaines de Sèvres. Bien que Macquer y eût fait de la porcelaine dure, Brongniart est néanmoins le premier qui l'ait composée en partant de l'analyse et en lui donnant une formule immuable. Son Traité des Arts céramiques et des Poteries (1844, 2 vol. et atlas) a été et est encore, bien que vieilli, la base de tous les Ouvrages français ou étrangers sur la matière. Il y a pour ainsi dire codifié la fabrication des poteries; il a introduit la science et la balance pour la première fois dans ces métiers où l'on ne vivait et où, dans bien des usines, l'on ne vit encore que de routine.
Le passage de Brongniart à Sèvres fait revivre le souvenir, bien naturel à rappeler ici de ce véritable cénacle, de cette École de Géologie moderne qu'il y avait créée avec ses amis et ses élèves, et avec ceux de son beau-père, Coquebert de Monbret. Ce fut un foyer singulièrement fécond d'où rayonnait la pure Science, qui s'était révélée, dès le début du siècle, avec l'Essai sur la Géologie minéralogique des environs de Paris.
Ebelmen, que son rare mérite avait fait désigner pour recueillir une succession rendue si difficile par de tels précédents, n'a fait que passer à la Manufacture. Il y a rendu cependant de très grands services, auxquels l'avait en partie préparé sa carrière scientifique antérieure : mise en marche des cuissons à la houille; synthèse des spinelles et autres combinaisons employées comme couleurs au grand feu; coulage des grandes pièces sous pression; essai de fabrication de la porcelaine tendre ancienne; étude de la fabrication chinoise ; par là il ouvrit des vues nouvelles à la fabrication européenne et montra comment doivent être faits les rouges au grand feu, que tant de céramistes emploient aujourd'hui sans se rappeler que c'est à Sèvres qu'Ebelmen en a indiqué la composition.
Le 18 février 1876 mourait subitement au Muséum une des illustrations scientifiques de notre pays.
Adolphe-Théodore Brongniart était né le 14 janvier 1801 à Paris, dans l'hôtel de son grand-père Coquebert de Montbret. Son père, Alexandre Brongniart, qui a glorieusement marqué sa place dans la science, venait d'être appelé à la direction de la manufacture de Sèvres depuis un an. On peut dire que les premiers pas de Brongniart furent ébauchés sur la grande voie scientifique et qu'il y marcha avec assurance pendant tout le cours de sa féconde carrière.
Tout jeune encore, il aimait déjà les plantes; il avait puisé ce goût de la botanique dans ses visites à la Malmaison, dans les excursions qu'il faisait en compagnie de son père ou de son grand-père maternel, dont l'instruction était aussi variée que profonde, enfin dans un petit jardin qu'il cultivait lui-môme à Sèvres et dont ilfut séparé par suite des désordres de la guerre et de l'invasion de 1814 et 1815.
C'est entre les années 1818 et 1822 que se place le passage de Brongniart à l'École des mines. C'est en accompagnant son père et Cuvier dans leurs recherches sur le bassin parisien qu'il acquit les connaissances qu'il devait appliquer si fructueusement à ses travaux paléontologiques.
C'est à l'âge de dix-neuf ans, en 1820, qu'il publia son premier travail sur un crustacé d'eau douce trouvé dans les mares de Franchart à Fontainebleau.
Reçu bachelier en 1822, il fit ensuite ses études médicales qui disposent mieux que tout autre travail aux sciences naturelles; il obtint le grade de docteur en 1826. L'année suivante, il concourait à l'agrégation de la Faculté de médecine ; il y fit le cours de matière médicale pendant deux ans. 11 passa ensuite aide-naturaliste au Muséum, et succéda en 1833 à Desfontaine comme professeur de botanique et de paléontologie végétale. En 1834, il devint membre de l'Institut; il avait déjà publié plus de quarante mémoires ou notes sur la paléontologie végétale et sur la botanique pure ou descriptive. Il faut mettre en première ligne son remarquable mémoire, devenu classique, sur la génération et le développement de l'embryon des végétaux phanérogames, qui remporta le grand prix de physiologie à l'Académie en 1827, et le travail qui, à lui seul, devait l'immortaliser et qui parut en 1828 : l'Histoire des végétaux fossiles, 1re partie, 176 planches, presque toutes dessinées de la main de l'auteur ou par Mme Brongniart. La liste de ses travaux prouve que les diverses branches de la botanique n'étaient pas alors négligées par cet infatigable travailleur. Cependant ses recherches sur les végétaux fossiles nécessitaient des déplacements fréquents; il visita l'Irlande, l'Ecosse, l'Angleterre (1825), où il fut honoré de l'amitié do Rob. Brown, dont il devint le disciple, l'Allemagne, la Hollande, la Belgique (1835), les villes houillères de France. Il accompagna son père et des savants distingués dans le Jura et en Suisse (1817), en Italie (1820), et Berzélius et Wôhler en Suède et en Norwége.
Brongniart, dans ses leçons, négligeait sciemment les détails élémentaires pour les questions élevées. Il possédait à un haut degré le talent d'assimilation des travaux d'autrui qu'il exposait avec la même facilité que les siens propres. Modeste avant tout, il ne se citait jamais.
La préface de son Histoire des végétaux fossiles et de son Énumération des genres de plantes cultivées au Muséum prouve avec quel art il résumait l'état de la science. Indépendamment de ses publications, on sait qu'il était un des fondateurs des Annales des sciences naturelles, dirigées d'abord en commun avec MM. Milne Edwards et Audouin, et plus tard avec M. Decaisne.
Il profita de l'agrandissement de l'École de botanique du Muséum pour la disposer dans un ordre nouveau. Il fit paraître alors sa nouvelle classification sous le titre : Énumération des genres de plantes cultivées au Muséum, travail dans lequel il instituait des groupements basés sur les caractères tirés de la structure de }a graine et sur cette ingénieuse conception que les plantes dites apétales ne peuvent, par cette seule raison, être séparées des plantes pétalées; il les considérait logiquement comme des queues de séries de types plus complémentaires organisés.
La collection de plantes fossiles qu'avait formée Brongniart, aidé de son père et de nombreux correspondants, devenait considérable; il l'offrit au Muséum, ainsi que son important herbier (1836).
Le classement de ces nombreux matériaux, qu'augmentaient encore les envois successifs faits de tous les points du globe, nécessita de la part de Brongniart lin travail considérable, dans lequel il put rarement se faire aider.
En 1852, il fut nommé inspecteur de l'enseignement supérieur et membre du conseil supérieur de l'instruction publique. Il chercha à remplacer de Jussieu dans ses herborisations, mais sa complexion s'opposait à une marche prolongée, et, après quelques tentatives, il confia ce soin à M. Decaisne.
La perte successive de son père, de sa mère et de sa femme fut pour lui une série de cruelles épreuves bien capables d'abattre un homme, même de cette valeur. Aussi ces douloureuses impressions nuisirent quelque temps à ses travaux. Il les reprit cependant avec ardeur et porta ses études sur la riche flore de la Nouvelle-Calédonie. Mais les richesses de la flore actuelle ne pouvaient éclipser les attraits que l'ancienne avait dans son esprit. C'est au milieu d'un grand travail entrepris avec un de ses aides naturalistes, M. Renault, sur Les graines fossiles du terrain houiller, que Brongniart fut frappé soudainement.
Adolphe Brongniart laisse deux fils : M. Edouard Brongniart, peintre de talent, et M. Jules Brongniart, médecin distingué. Un des soucis du maître dont nous avons cherché à esquisser la vie était la crainte de ne pas voir son nom lui succéder dans les sciences naturelles. Sa famille, qui par ses soins empressés ne lui donnait que des joies, lui a même ménagé ce qu'il ambitionnait le plus : son petit-fils, M. Charles Brongniart, doué de toutes les qualités qui font le bon naturaliste, vient, à l'âge de dix-sept ans, de publier un mémoire fort curieux sur une espèce de crustacé découverte dans le terrain houiller de Saint-Étienne ; ce mémoire a eu l'honneur d'une lecture à l'Institut.