fut successivement Maître en Pharmacie, Membre de l'lnstitut de France (1795), Professeur à l'Ecole Centrale des Travaux Publics (qui devint l'Ecole Polytechnique) (1794), Professeur au Collège de France (1801), au Muséum d'Histoire Naturelle (1804), Membre de l'Académie de Médecine (1812) Expérimentateur de très grand talent, cet éminent chimiste occupa les postes les plus prestigieux de la profession. Il fut également chargé, en 1795, d'enseigner la docimasie à l'Ecole des Mines. Il devint alors Essayeur Officiel des métaux précieux et publia d'ailleurs en 1799 un manuel de l'essayeur.
Les travaux de Vauquelin sont extrêmement variés, dans les règnes animal, végétal, minéral. Dans le domaine de la chimie, ses deux découvertes les plus marquantes sont certes celles du chrome et de l'oxyde de béryllium, mais il effectua aussi l'analyse de très nombreux minéraux qui lui étaient fournis par Haüy, ou qu'il prélevait lui-même dans les collections de l'Ecole des Mines. Il travailla sur la leucite, la stéatite, le péridot, le spinelle, la topaze, la gadolinite, le wolfram, l'anatase; on lui doit des analyses de la cérite, du diaspore, de la chlorite, de la pechblende, de la topaze... et de beaucoup d'autres minéraux. C'est à partir de l'analyse de la crocoïse ("plomb rouge") de Beresovsk (Oural) que Vauquelin découvrit en 1797 un nouvel élément qui, en raison des teintes vives de ses dérivés, fut nommé ''chrome'' sur les conseils de Fourcroy et de Haüy. En 1798, Haüy demanda à Vauquelin de comparer les compositions chimiques de l'aigue-marine (béryl) et de l'émeraude dont il avait montré l'identité des propriétés cristallographiques; non seulement Vauquelin en établit l'identité des compositions chimiques, mais il y mit en évidence la présence d'une ''terre'' (oxyde) d'un élément nouveau qu'il nomma glucine, en raison de la saveur sucrée de son sulfate. L'élément obtenu sous forme métallique en 1828, fut nommé béryllium par les allemands.
Citation de Livre du centenaire de l'Ecole polytechnique, tome I, page 39 :
Quant à Vauquelin, qui avait été instituteur adjoint de 1794 à 1797, et qui resta examinateur temporaire de 1805 à 1810, c'était le bras droit de Fourcroy [professeur de chimie à Polytechnique] à qui il avait été recommandé, alors qu'âgé de 15 à 16 ans, il mourait de faim à Paris en qualité d'élève apothicaire. Doué d'une vive intelligence, c'était l'un des plus grands travailleurs du monde. En quelques années, il avait publié soixante mémoires en commun avec Fourcroy ; il en publia ensuite cent quatre-vingts environ en son nom personnel sur tous les sujets possibles de la chimie animale, végétale et minérale ; on lui doit en particulier la découverte de la glucine et du chrome. Professeur au Collège de France en 1801, à 38 ans, membre de l'Institut et directeur de l'Ecole de pharmacie en 1803, il fut professeur de chimie au Muséum et à l'Ecole de Médecine, où il remplaca Fourcroy. D'une extrême simplicité, sans besoins, il était passé sans préoccupations de l'extrême misère à la richesse ; sans morgue pour les débutants, sans obséquiosité pour les grands, il parlait à l'Empereur comme au moindre des pharmaciens ses élèves, et ne changea jamais rien à son mode de vie. Il fut remplacé à l'Ecole [polytechnique] par Collet-Descotils, professeur à l'Ecole des mines, puis par l'illustre Dulong qui, en 1814, fut chargé à la fois des examens de physique et de chimie.
On peut dire que Vauquelin a créé en France l'enseignement de la docimasie ou de la chimie analytique minérale dans le cours par lui professé à l'École des mines de 1794 à 1801.
Nous donnons une citation de l'ouvrage de Jean-Michel Raimond dit Raymond-Latour, qui fut aussi l'un des adjoints de Fourcroy : Souvenirs d'un oisif (1836) :
Vauquelin m'a constamment accordé une grande bienveillance. J'ai suivi avec assiduité un grand nombre de ses cours publics et de ses cours particuliers, et toujours avec une nouvelle moisson ; c'est qu'il y a de ces maîtres avec lesquels on est toujours écolier.
Sa famille, pauvre, mais honnête et laborieuse, habitait un petit hameau, dans la Normandie. J'ai connu le père, dans les jours prospères du fils, et je puis dire qu'il n'y avait rien de plus touchant que ce tableau de famille, dans lequel on les voyait tous deux se sourire, pleurer de joie et s'embrasser, comme pour se féliciter d'un aussi heureux changement dans leur position ; car le cher enfant, parvenu aux places et à la fortune, les partageait en quelque sorte avec son père, en allant au devant de tous ses besoins et en le promenant avec complaisance dans tous les lieux de la capitale. Il n'y avait pas jusqu'aux séances de l'Institut où il ne fût heureux de le montrer à ses collègues ; son origine, bien loin d'humilier son amour-propre, était au contraire pour lui une source d'orgueil.
Le jeune Vauquelin vint à Paris pour y remplir, d'abord, un emploi voisin de celui de la domesticité ; heureusement que son savant maître, M. Fourcroy, devint bientôt son ami et son protecteur, en découvrant en lui de précieuses qualités, et surtout le germe de la chimie, qui se développa rapidement et qui a si bien fructifié, que la place de ce chimiste est, depuis longtemps, marquée au premier rang des savans de l'Europe.
Sa taille était haute et légèrement courbée, comme celle du maréchal Brune, avec la figure duquel la sienne offrait aussi un peu de ressemblance. Sur le déclin de sa vie, il était encore l'enfant de la nature ; ses manières, son regard avaient toute l'empreinte de la timidité et de la modestie ; son tact et son esprit naturel suppléaient à la première éducation, dont il avait été entièrement privé. Les savans de toutes les classes lui ont toujours témoigné la plus grande déférence, et il n'a compté dans leurs rangs que des amis et des admirateurs ; Fourcroy, surtout, avait une sorte de vénération pour les qualités et le savoir de son élève ; de son côté, le disciple ne se montra jamais ingrat ; il lui consacra une partie de ses veilles pour l'aider dans ses travaux scientifiques, et eut pour lui un dévoûment sans bornes.
Sa grande assiduité au travail était récompensée par d'heureux résultats dans ses recherches ; rien n'échappait à sa perspicacité et à ses lumineuses investigations ; l'odorat et le goût étaient tellement exercés en lui, qu'ils étaient devenus les premiers instruments de ses savantes analyses ; avant d'employer des réactifs, il connaissait déjà en partie les principes qui entraient dans la composition de la plupart des substances qu'il avait soumises à l'examen de ces deux sens.
Personne, avec de grosses et lourdes mains, n'était plus leste et plus adroit pour exécuter une opération ou faire une expérience, et c'est sous lui, et en préparant ses leçons pour l'Ecole polytechnique, aidé de ses conseils et souvent de sa personne, que j'ai acquis quelque dextérité en ce genre.
Il s'en fallait de beaucoup qu'il fût orateur, dans sa chaire non plus qu'ailleurs ; son divin maître, Fourcroy, malgré ses efforts, n'avait pu parvenir à lui inoculer le don de sa facile et éloquente parole, et encore moins celui de son assurance ; toutefois, il ne manquait ni de méthode ni de clarté, et quoiqu'il y eût un peu d'obscurité dans ses phrases, il n'en faisait pas moins jaillir assez souvent des jets de lumière qui dissipaient le nuage, et on était tout étonné de la finesse et de la justesse de ses explications, ainsi que de l'importance du fait qui en faisait le sujet.
Sa voix était grêle et presqu'éteinte, et ses yeux, comme ceux de Bourdaloue, dans sa chaire apostolique, demeuraient à demi-fermés lorsqu'il discourait, ce qui était dû probablement, à sa grande timidité. J'ai reçu souvent les confidences des tortures morales et physiques que lui faisait éprouver l'approche d'une leçon qu'il devait donner en présence d'un public nombreux ; je ne comprenais pas bien alors sa peine ; mais, plus tard, en proie moi-même à une incroyable timidité, j'ai deviné toute sa souffrance.
Ce savant, dont le mérite n'avait pu échapper à la juste appréciation de Napoléon, et qui avait ses entrées à la Malmaison, est cependant le seul des illustrations scientifiques, qui n'ait pas été élevé en dignité ; un bout de ruban rouge attaché à sa boutonnière a été l'unique récompense de son mérite. Bonaparte, qui connaissait si bien les hommes, avait-il compris que la place de Vauquelin était marquée autour de ses fourneaux, et que c'était là seulement qu'il était appelé à rendre de grands services ?
Sa promotion à la Chambre des députés apporta une grande lacune dans les travaux de l'illustre chimiste ; une perte prématurée dont il ne s'est jamais consolé, celle de son intime ami Fourcroy, fut pour lui un grand sujet de deuil et de découragement ; une profonde mélancolie, qui l'accompagna jusqu'au tombeau, s'était emparée de lui, et la chimie eut à déplorer, presque en même temps, la perte de deux savants qui avaient si fort contribué à ses progrès.