MALLARD François Ernest (1833-1894)

fut, avec Haüy, le plus éminent savant que l'Ecole des Mines ait connu dans les domaines de la cristallographie et de la minéralogie. Polytechnicien, il sortit en 1853 de l'Ecole des Mines comme Ingénieur; géologue dans le Corps des Mines, il fut nommé en 1859, Professeur de Géologie, Minéralogie et Physique à l'Ecole des Mineurs de Saint-Etienne. Il y réalisa un certain nombre de cartes géologiques tout en s'attaquant à des problèmes techniques fréquents dans un centre industriel aussi important. Daubrée s'intéressa à ses travaux et lorsqu'en 1872, il quitta la chaire de Minéralogie pour devenir Directeur de l'Ecole, il choisit Mallard pour lui succéder. Inspecteur général des Mines en 1886, ce n'est qu'en 1890 qu'il fut élu dans la section de Minéralogie de l'Académie des Sciences.

Professeur à l'Ecole, Mallard introduisit dans son enseignement, les idées de Bravais, illustre physicien qui avait été son maître à Polytechnique. Bravais expliquait et inventoriait les modes possibles de symétrie dans les cristaux à partir des concepts mathématiques qui forment la base de la théorie des groupes. Pendant que Sohncke et ensuite Schonflies développaient le concept de maille de translation de Bravais pour parvenir à une description complète des 230 groupes spatiaux, Mallard développait d'autres aspects des théories de Bravais, pour une meilleure compréhension des propriétés physiques des minéraux, et en particulier des propriétés optiques de cristaux anisotropes caractérisés par les ellipsoïdes de réfraction. Ses publications en ce domaine, et notamment les deux volumes de son ''Traité de Cristallographie géométrique et physique" parus en 1879 et 1884 permirent, grâce à une exposition remarquablement didactique, de faire connaître aux minéralogistes des théories jusqu'alors accessibles aux seuls mathématiciens.

Le troisième volume de son traité qui devait exposer l'isomorphisme, le polymorphisme, les macles, la croissance cristalline ne put être achevé. Il aurait été le fruit de travaux et de découvertes remarquables en ces domaines. Mallard montra que les systèmes réticulaires peuvent posséder des éléments de symétrie approchés conduisant soit à des macles (où les individus constituants mettent en commun des éléments de symétrie ou de pseudosymétrie pour atteindre une pseudosymétrie d'ordre supérieur), soit à des groupements pseudosymétriques où les domaines maclés s'assemblent pour former un édifice de faciès présentant une "symétrie'' macroscopique d'ordre supérieur. Il prouva ainsi que de nombreux cristaux de faciès cubique sont en réalité composés d'un enchevêtrement de lamelles maclées de plus basse symétrie, décelables seulement par l'observation au microscope. Plus généralement, Mallard considérait ces édifices mimétiques comme résultant d'un processus leur donnant une pseudosymétrie supérieure à celle de leurs constituants de manière à obtenir un édifice plus stable et à dépenser le minimum d'énergie lors de transitions polymorphiques. L'exemple le plus remarquable est celui de la leucite, de symétrie cubique au-dessus de 600 °C. Au-dessous de cette température, la leucite subit un changement de phase et devient quadratique; elle conserve néanmoins son aspect extérieur cubique, le cristal étant formé par un enchevêtrement de lamelles quadratiques maclées selon les plans de symétrie cubique devenus désormais plans de pseudosymétrie. Ce phénomène s'observe dans de nombreux minéraux d'aspect cubique: boracite, analcime...

Ces travaux permirent de lier les notions de cristaux hétérogènes, macles, changement de phase (polymorphisme) et même isomorphisme: en effet, L'isomorphisme permet l'association au sein d'un édifice cristallin unique, de substances chimiquement différentes mais de mailles voisines. Il mit aussi l'accent sur l'idée de ''tolérance réticulaire'' des édifices mimétiques et la compara à celle observée dans les cristaux isomorphes. Il faut remarquer que les conceptions de Mallard furent combattues, notamment par les minéralogistes allemands qui estimaient que les hétérogéneités des cristaux et les anomalies optiques trouvaient leur explication dans des phénomènes de tension. En fait, les idées de Mallard ont été pleinement confirmées, particulièrement par les travaux de G. Friedel, illustre cristallographe, qui tenant compte des relations entre le réseau propre à chaque individu cristallin et celui commun à l'édifice maclé, en a donné la définition géométrique d'où la classification actuelle des macles.

Les recherches de Mallard ont également concerné d'autres sujets: on lui doit ainsi la description de nouvelles espèces minérales (boléite, cumengéite), le perfectionnement du goniomètre de Wollaston, des travaux sur le pouvoir rotatoire des cristaux. Formé à la rude école des mines de charbon du bassin stéphanois, Mallard, en collaboration avec Le Chatelier, alors Professeur de Chimie générale à l'Ecole, commença en 1878 des travaux de laboratoire et de terrain pour prévenir les explosions de grisou. En particulier, ils furent les promoteurs de l'utilisation du nitrate d'ammonium comme explosif.

 

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