QU'EST CE QU'UN MICROMONTAGE ?

Ce jeune homme, studieux derrière sa binoculaire, appartient à une espèce en voie de développement: les micromonteurs. C'est à dire les amateurs de micromontages.

Collectionneurs de minéraux d'un type nouveau, ils observent des micro-cristallisations spécialement préparées pour être vues à un grossissement de 10 à 80 fois.

Le minéral, qui ne dépasse pas quelques millimètres, est collé sur une monture. Ici la monture est constituée d'une base en bois de balsa solidaire du fond d'une boîte plastique cubique, de deux centimètres d'arête environ. L'ensemble constitue un micromontage ou "micromount" en anglais.

Tous les micromonteurs du monde se donnent la main ... ou presque. L'annuaire international des micromonteurs de Baltimore rassemble le nom de ses milliers d'adhérents répartis sur les cinq continents. Liste de noms et adresses, remise à jour tous les deux ans, permet une correspondance et des échanges assidus entre amateurs.

 

Le micromontage, très développé aux Etats Unis qui fournit le gros des troupes, a gagné l'Europe et même la France comme en témoigne cette affiche invitant les micromonteurs à se retrouver à Epinay sous Sénart les 16 et 17 avril 1983. Comme les micromonteurs sont souvent des collectionneurs de systématique, rien d'étonnant à ce que cette première rencontre soit organisée conjointement.

 

Cette liste dactylographiée recense le contenu de la collection du Professeur Orcel. Elle a été exhumé des tiroirs du Museum d'Histoire Naturelle de Paris, dont Orcel fut conservateur pour la minéralogie. Elle date des années trente et nous suggère que les termes de "micromonture" et de "micromount" ont été employés par écrit sensiblement à la même époque.

 

La collection Orcel comporte 350 pièce en boîte cartonnée noire de 2x2,5x1,5 cm. Les montures sont en bois peint (liège, peuplier). Une centaine d'entre elles sont accompagnées de fiches cristallographiques où figurent un dessin original, l'indication des faces et la valeur des angles mesurés.

 

Des montages ingénieux de ce type, permettent par simple rotation d'une tige de bois fichée dans l'une des parois de la boîte, de présenter à l'observation les faces successives du cristal examiné.

 

Outre la collection d'Orcel, la galerie de minéralogie du Museum d'Histoire Naturelle conserve une petite collection de cent pièces, dite collection "Lazare Cahn". Elle provient d'échanges fait par Orcel avec ce collectionneur américain réputé qui rassembla au cours de son existence des milliers d'échantillons aujourd'hui conservé à l'université de Yale.

 

Cette boîte ronde appartient à la collection Des Cloizeaux, minéralogiste et conservateur de la galerie de minéralogie à la fin du siècle dernier. Elle contient des micro-pièces qui ont été utilisées par ce minéralogiste pour l'étude des propriétés optiques des minéraux. Ces boîtes sont contemporaines des premières boîtes de micromontage américaines réalisées par Rakestraw et Fiss autour de 1880.

 

Parmi les pièces les plus anciennes du museum et les plus illustres se trouve ces cristaux de diamant, montés par l'Abbé Haüy, au moyen de cire noire et d'un socle de bois peint. L'étiquette rédigée de la main du fondateur de la cristallographie moderne mentionne: "diamant sphérique dont conjoint allongé". Cette pièce date du début du 19ème siècle.

 

 

Après cette plongée dans le passé, voici une collection moderne. Le plastique y est largement employé à la fois pour les emballages des micromontures proprement dites, mais aussi pour l'élément de rangement qui regroupe 32 pièces.

 

 

Pour entreprendre une collection de microminéraux, il faut commencer par les collecter. L'instrument de base est incontestablement la loupe, comme le montre cette vue de micromonteurs en pleine action.

 

 

Une bonne loupe de terrain, de grossissement 10 à 20 fois constitue l'auxiliaire indispensable. Un compte fil du type représenté sur la photo, solidement attaché par un cordon et passée autour du cou pour éviter toute perte, est un instrument idéal. Un oculaire de microscope doté d'un grand champ de vision est aussi une solution envisageable.

 

Il existe aussi des moyens d'observation plus perfectionnés tel cet instrument à fonction multiple baptisé EMOSCOPE. Il peut servir de loupe, de microscope ou même de longue vue.

 

Le reste de l'équipement de collecte est assez classique. Par exemple, une solide masse fera l'affaire pour s'attaquer aux roches dures, telles que les basaltes minéralisés qui recèlent de belles et rares espèces de zéolites.

 

Des burins de tailles et formes diverses peuvent s'avérer utiles pour extraire des placages minéralisés, comme ce ciseau de carreleur à lame extra large ou ce petit burin à lame tranchante pour des opérations délicates.

 

En dehors du matériel d'emballage courant utilisé par les amateurs (journaux, papier essuie-tout, sacs plastiques et boîtes), il est utile d'avoir pour les petits échantillons une gamme de tubes et de capsules. Les capsules de gélatine peuvent s'acheter en pharmacie.

 

Une fois le matériel récolté, l'un des problèmes de tout collectionneur est l'identification. Il existe une multitude de critères et de méthodes pas toujours spécifiques ou aisées à mettre en oeuvre.

 

Signalons deux techniques bien adaptées aux petits échantillons car elles ne nécessitent que des prises d'échantillons infimes. La première est un test par voie sèche qui fait appel à un broyage simultané de l'échantillon et d'un réactif solide, dans une plaque à cupule. La coloration du mélange obtenu donne une indication sur la nature de l'élément présent.

 

Une autre façon de procéder est d'utiliser un test de microchimie en voie humide où la prise d'essai est mise en solution. On y ajoute une goutte de réactif et on observe le résultat à la binoculaire. Il apparaît alors, en fonction des précipités, des microcristallisations remarquables, caractéristiques de la présence d'un élément chimique dans le minéral. Par exemple, sur cette photo, des cristaux caractéristiques de la présence d'aluminium.

 

Avant le montage des microminéraux, il convient de les ramener à une taille compatible avec les boîtes de collection et sans gangue excessive. C'est une opération qui exige un travail minutieux, et surtout l'emploi d'un appareil qui réalise une section nette, précise sans trop de risque de détérioration des pièces travaillées. Cet instrument s'appelle une cisaille, une cisaille à double couteau du type de celle représentée sur la photo. Le cisaillement est réalisé par deux couteaux placés de part et d'autre de l'échantillon. L'un des couteaux est fixe. L'autre est mobile et transmet une pression résultant de la progression d'une tige filetée mue par un volant ou une manivelle. L'ensemble repose sur un bâti comportant un système de guides pour assurer la course la plus régulière possible aux couteaux.

 

Pour effectuer certaines opérations de finition (sections, sciage, etc.), on peut également utiliser des pinces coupantes ou une perceuse miniature à tête interchangeable que l'on trouve aujourd'hui communément dans le commerce.

 

Pour réaliser un nettoyage dans de bonnes conditions, on peut utiliser pour un grand nombre d'espèces minérales, une cuve à ultrasons, emplie d'une solution additionnée légèrement de détergent. Il y a des cuves à tous les prix, notamment en fonction de la capacité. Celle-ci de 0,5 l valait de l'ordre de 600 FF en 1983.

 

Pour emballer les micromontures, on utilise d'ordinaire des boîtes en plastique de forme et de couleur variables. Elles peuvent être par exemple cubique de 1,5 à 2,5 cm d'arête et transparentes. Leur coût est de l'ordre de 50 centimes pièce.

 

Les boîtes préférées des micromonteurs sont cependant celles dont le fond ou l'entourage des pièces est totalement opaque, noir en général. Un fond noir et mat permet en effet à la plupart des minéraux d'apparaître de façon contrastée à l'observation; d'où un effet esthétique très appréciable.

 

Pour confectionner les supports de microminéraux, il y a de multiples solutions. Outre le mastic, déconseillé à cause de ses effets salissants à long terme, il faut mentionner le balsa. Ce bois, facile à travailler, est bien connu des amateurs de modélisme. On peut le colorer ou le peindre. Il est vendu en tiges de section ronde ou carrée, de taille variable.

 

Pour travailler le balsa, il est recommandé d'avoir un instrument tranchant, du type lame de rasoir, bistouri ou cutter.

 

Pour faire adhérer le minéral à son support, on peut utiliser des colles courantes type Pattex Contact ou UHU hart, plus spéciale. L'essentiel est d'obtenir une prise rapide, d'éviter le coulage ou le filage, et d'obtenir un fort pouvoir adhésif sur une longue durée.

 

Pour rattacher le support à la boîte, on peut utiliser l'intermédiaire d'une gommette autocollante qui sert de base. Celle-ci peut être décollée sans laisser de trace de colle lors d'un transfert de pièce, d'où une économie de boîtes.

 

Enfin pour manipuler dans de bonnes conditions les échantillons, il est souhaitable d'employer des pinces type "pince de philatéliste" à bout droit ou recourbé, ou encore des pinces en X, c'est à dire travaillant en relachement. Des sondes usagées de dentiste ou des trombones déroulés et acérés peuvent être utiles pour nettoyer ou maintenir les échantillons en cours de collage.

 

Comment réaliser une micromonture à partir du matériel évoqué ? Prenons un exemple:

A - A partir d'une boîte incolore plastique, on procède au noircissement extérieur du couvercle grâce au passage croisé d'un feutre noir.

B - On retourne ce couvercle, qui servira de fond, et on y place une gommette autocollante qui servira de base au piédestal.

C - On dépose une goutte de colle sur cette base ainsi que sur l'extrémité d'une pièce de balsa qui servira de piédestal (Cf. fig. D).

E - On procède au collage de l'échantillon.

 

F - On ajuste à la longueur voulue le piédestal de manière à ce que l'échantillon monté rentre sans difficulté dans la boîte.

G - On colle, à l'aide d'une pince à bout recourbé la monture sur la base préalablement préparée et l'on attend la fin du séchage, après avoir vérifié à la bino le bon positionnement de la pièce.

 

Si l'on choisit de fabriquer soi-même ses propres boîtes , on trace grâce à un gabarit le contour de la future découpe sur papier blanc que l'on noircira ensuite, ou directement sur papier noir mat. On découpe aux ciseaux ou à l'emporte pièce.

Noircissement au feutre du papier découpé au gabarit.

Après pliage, on monte la pièce préalablement placée sur son piédestal, au centre de l'entourage.

 

On assemble l'entourage à la boîte et on obtient ainsi le même effet qu'avec des boîtes plastiques opaques ou peintes intérieurement.

 

Pour l'étiquetage, il existe différentes techniques comme celle du tampon encreur donnant un cadre à compléter à la main.

 

Un autre façon de procéder consister à dactylographier une étiquette et à lui faire subir une réduction d'environ 50 %.

On a ainsi une étiquette au format des boîtes qui donne une présentation propre et lisible.

Pour éviter les textes toujours forcément limitées par la taille de l'étiquette, il est possible de n'indiquer sur la boîte que le nom de l'espèce et un numéro d'ordre. Ce numéro renvoie à une fiche.

Sur cette fiche peuvent être portés toutes les données voulues permettant de caractériser dans le détail le minéral, les associations, de rappeler ses caractères spécifiques, la bibliographie qui s'y rapporte, ainsi que l'origine de l'échantillon.

 

Pour le classement et le stockage des micromontures, étant donné le faible encombrement de ce type de collection, on peut très bien utiliser des éléments à tiroir, tels que celui-ci, provenant des fournisseurs de matériel de bureau. Ces meubles sont cependant généralement assez coûteux.

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Une formule moins onéreuse consiste à se confectionner des casiers en contre-plaqué de 30 à 40 cm de côté et de 30 à 40 mm de profondeur.

Ces casiers peuvent être utilisés comme tiroir et rassemblés sur un porte-tiroir construit à partir de contre-plaqué en 5 mm et de tasseaux servant de glissières. Un tel meuble peut contenir plus de 2000 échantillons; c'est à dire déjà une bonne collection.

On peut également aller plus loin en construisant un véritable meuble dont la présence ne dépare pas le mobilier qui l'entoure, tel ce modèle de style moderne.

Pour un classement provisoire, ou pour transporter ses échantillons d'échange, voici des éléments plastiques pouvant contenir une trentaine de boîtes.

 

Bien emballés, les échantillons de microminéraux circulent par la poste avec beaucoup de facilité. Peu encombrants, de faible poids, ils se révèlent peu coûteux à expédier. L'échange devient, dès lors, un moyen efficace pour développer rapidement sa collection.

 

Certaines listes sont de véritables catalogues qu'il faut pouvoir tenir constamment à jour. L'informatique vient alors au secours du collectionneur qui peut grâce aux logiciels de traitement de texte ou de tableur, présenter des listes facilement renouvelées à moindre effort.

L'échange ou les achats par correspondance constituent une pratique banale pour les collectionneurs de microminéraux. Les listes détaillées, contenant plus de 100 espèces sont fréquentes. Elles peuvent être même agréablement illustrées, comme cette liste d'origine italienne.

 

Après avoir vu les différents éléments auxquels font appel les collections de micromonture, il faut mentionner le dernier, mais le plus important: la binoculaire ou microscope stéréoscopique. Il existe une douzaine de fabricants, et une trentaine de modèles. Les instruments de qualité, avec une large gamme de grossissement, une très bonne optique, un système de zoom, un large champs de vision sont généralement coûteux. Un équipement complet revient entre 8 et 15 000 FF.

L'investissement "binoculaire" est lourd, mais il s'amortit sur une carrière de collectionneur. Dès le départ, mieux vaut attendre un peu et faire un petit sacrifice en s'équipant correctement.

Un des aspects les plus intéressant d'une collection est de fixer sur la pellicule les images que l'on voit derrière sa binoculaire. On peut procéder par microphotographie, pour les très forts grossissements, grâce à un appareil réflex monté sur l'un des oculaires de la bino.

Dans cet équipement, outre l'appareil d'optique, il faut penser à choisir un éclairage bien adapté; par exemple, un éclairage qui transmet une lumière froide obtenue par une ampoule halogène basse tension.cet

 Appareil photographique équipé d'un soufflet pour la prise de macrophotographies.

Voici une tridymite grossie environ 7,8 fois.

Une calcite de Villardonnel dans l'Aude grossie 2,9 fois.

Pour continuer la symphonie en blanc, une pharmacolite de Salsigne, grossie 1,2 fois.

Une pièce classique: l'association aurichalcite - hémimorphite du Mexique, grossie 2,8 fois.

Une pyromorphite aciculaire de St Salvy, grossie 2,8 fois.

Voici un gypse à inclusions d'Australie, grossie 1,7 fois.

Une wulfénite éclatante, originaire de l'Arizona, grossie 1,7 fois.

Des vanadinites bien mures venant de Mibladen au Maroc, grossies 3,7 fois.

Un quartz à inclusions de Berbès, Espagne, grossie 3,7 fois.

  Un minéral restant à identifier.

Derrière une bino, on voit donc bien des choses étonnantes.

Si cette activité vous séduit, informez vous d'avantage en consultant les pages Web de l'association.

Venez nous rejoindre au sein de l'Association Française de Microminéralogie.