L'un des buts ultimes de la minéralogie est non seulement d'identifier les minéraux, mais aussi de déterminer les domaines de pression et de température dans lesquels ils se sont formés. Un moyen est de les reproduire au laboratoire, et ceci a été tenté dés le XIXème siècle, notamment à Paris. C'est en effet dans les laboratoires de l'Ecole des Mines de Paris que J. Ebelmen (1847) et A. Daubrée, auparavant professeur à l'Université de Stasbourg, ont effectué les premières synthéses minérales. Ils ont ainsi ouvert la voie à de trés nombreux chercheurs, qui ont d'abord cherché à reproduire les minéraux les plus précieux, c'est à dire ceux qui constituent les "pierres" du même nom. Alors que Moissan obtenait des résultats trés controversés sur la synthèse du diamant, P. Hautefeuille réalisait de nombreuses synthèses en utilisant des agents minéralisateurs (gaz ou vapeur comme catalyseurs. Il a reproduit ainsi le rutile le corindon et le sphene. Par voie sèche, il réussit à cristalliser tridymite, quartz, néphéline, leucite, phénacite, zircon et émeraude, par voie humide les trois variétés polymorphiques du titane. Entre 1871 et 1892, E. Fremy, Feil et Verneuil ont synthetisé le rubis.
Tous ces travaux n'étaitent que les premiers balbutiements d'une voie de recherche qui prendra un développement extraordinaire à partir de la seconde moitié du XXème Siècle. Les synthèses aux laboratoires, qui se font sous des conditions connues de température et de pression, permettent de vérifier les études théoriques sur les lois de l'équilibre entre phases minérales, où s'illustrèrent des noms tels que Bakhuis Roozeboom, P. Schreinemakers ou W. Gibbs. Pendant tout le XIXème siècle, il y eut relativement peu de véritable interpretation, en dehors des travaux remarquables de Van't Hoff sur la cristallisation des sels à partir de l'évaporation de l'eau de mer ou sur la transition gypse-anhydrite. En ce qui concerne des problèmes plus complexes, concernant notamment la cristallisation des principaux types de roches ignées (granite et basalte), les premiers travaux furent réalisés par l'Anglais J. Hall (1761-1832). Mais il était impossible de connaitre avec une quelconque précision les températures de fusion des principaux minéraux avant l'invention du thermocouple platine-métal, qui ne fut réalisée qu' en 1886 (Henry Le Chatelier). Dés cette date, la situation va évoluer rapidement. Les théories magmatiques définies par H. Rosenbusch sont bien établies, la technique des laboratoires (fours, autoclaves, appareils de mesure de température et de pression) permet de réaliser des expériences fiables. La minéralogie expérimentale va prendre alors un grand essor, sous l'influence surtout de l'américain N.L. Bowen, qui rejoint en 1910 le Geophysical Laboratory de l'Institution Carnegie de Washington (créé en 1906). En quelques années, N.L. Bowen élucidera les mécanismes de la cristallisation des magmas basaltiques et, abordant des systèmes de plus en plus complexes, aboutira au principe de la cristallisation fractionnée, l'un des fondements de la pétrographie moderne.
Minéralogie et pétrologie expérimentales sont devenues aujourd'hui l'une des branches les plus importantes de toutes les Sciences de la Terre. En 1954, l'équipe française de Weil, Hocart et Monier réussit mla synthèse de minéraux opaques: arséniures de cuivre, proustite et stibine . Quelques années plus tard, J. Prouvost transforme des sulfures métalliques dans des conditions rappelant celles des remplacements hydrothermaux. Ce travail fut continué par Maurel, qui analyse les changements hydrothermaux entre 100°C et 200°C entre minéraux sulfurés metalliques et solutions aqueuses de sels.
Les années 1965 ont vu de nombreux travaux consacrés aux interactions fluides-solides dans le système des feldspaths alcalins. A basse temperature, ce problème concerne essentiellement la synthese de minéraux de roches sédimentaires et des formations superficielles, c'est a dire les argiles. La kaolinite et la muscovite ont été obtenues en 1965 à Paris par Lagache ; Wey et son équi pe ont produit des zéolites en 1970.
Le domaine complémentaire de la pétrographie des roches magmatiques et métamorphiques a également vu de trés nombreux travaux expérimentaux. F. Fouque et A. Michel-Levy avaient montré la voie, en reproduitsant des minéraux de roches volcaniques par voie sèche. J. Wyart, intervenant dans la grande controverse qui, pendant des années, opposa "solidistes" et "magmatistes" pour le problème de l'origine des granites, a montré l'importance de l'eau lors de la cristallisation des magmas granitiques .A partir de 1940, H. Saucier étudie en laboratoire la viscosité d'un verre à composition chimique de granite. Ces travaux, qui réclament un équipement particulièrement importants, ont été développés dans un nombre relativement restreints de laboratoires supérieurement équippés: Le Geophysical Laboratory de Washington bien sur, qui pendant des décennies a fourni le modèle à tous les autres, mais aussi le groupe de H. Winkler à Göttingen , qui essaiemera dans la plupart des universités d'Allemagne et d'Autriche, le Centre de Recherches sur la Synthèse des Minéraux (CNRS) d'Orléans, l'Institut de Recherches de Chernogolovka, orès de Moscou (Russie), etc. C'est l'expérimentation qui a permis de définir les bases de données thermodynamiques indispensables pour le calcul des réactions interminérales et, surtout, la déterminations des conditions pression-températures subies par les roches profondes (notamment, les cheminements P-T des roches métamorphiques). Les recherches actuelles se poursuivent dans de multiples directions: cinétique des réactions, rhéologie des magmas et , surtout, obtention de températures ou surtout de pression de plius en plus élevées. Grace aux "enclumes à diamants", on peut aujourd'hui reproduire certaines conditions régnant en tout point du globe, jusque dans les niveaux les plus profonds, manteau inférieur et même noyau.