CRISTALLOGRAPHIE GEOMETRIQUE ET

STRUCTURE CRISTALLINE

Morphologie cristalline

Structure cristalline. La notion de réseau.

PROPRIETES PHYSIQUES

PROPRIETES CHIMIQUES

LES ASSOCIATIONS MINERALES DANS LA NATURE

 

A l'aube du XIXème siècle Haüy avait tracé des voies nouvelles dont l'importance considérable s'affirme encore aujourd'hui. Ses préoccupations, étroitement liées l'une à l'autre, étaient d'une part l'étude de la structure cristalline pour elle même, d'autre part l'observation des espèces minérales et de leurs associations dans la nature. Les continuateurs de son oeuvre ont poursuivi leurs recherches dans ces deux domaines, mais en se spécialisant dans l'un ou dans l'autre. Dès cette époque apparaissent les premières subdivisions de la discipline: la minéralogie comme étude de propriétés cristallographiques et physique des minéraux, de leurs propriétés chimiques, de leurs modes de gisement et de leur genèse.

Christian Samuel Weiss (Liepzig 1780 - Eger 1856) fait connaître en Allemagne les théories d'Haüy, mais il orienta ses propres travaux vers une autre explication de la cristallographie géométrique fondée sur la loi des zones ou loi de rationalité des indices.

 

Morphologie cristalline

Au cours de cette première moitié du siècle les cristallographes prêtaient beaucoup d'attention à le description et à la classification des formes cristallines, c'est-à-dire à la morphologie cristalline. Un nombre considérable de données numériques sera réuni qui formera la base indispensable à la classification des formes et des symétries cristallines et par suite à l'élaboration des théories sur la structure des édifices cristallins.

En 1809 W. H. Wollaston faisait connaître son goniomètre à réflexion à axe de rotation horizontal et déterminait notamment les angles des cristaux de calcite. Une amélioration de cet instrument fut le goniomètre à réflexion muni d'une lunette a court foyer pour permettre l'observation des cristaux plus petits de Bobinet.

En 1808, J. H. Bernhardi eut l'idée de prendre en consideration non plus les faces ou les axes de zones comme Weiss, mais les droites qui, partant du point de symétrie central du système, sont normales aux faces.

En 1821, J. Hausmann introduisit la trigonométrie sphérique dans les calculs cristallographiques.

En 1823 F.E. Neumann utilisa comme surface de projection soit le plan d'une face convenable du polyèdre cristallin, soit la surface de la sphère dont le centre est pris comme origine des normales aux faces. Les faces du cristal sont ainsi représentées par les points (pôles des faces) d'intersection de leurs normales avec la surface de projection. Cette méthode de projection stéréographique sera réprise et développée par W. H. Miller et F. A. Quenstedt. Le Traité de Cristallographie de Miller (1839) devint rapidement classique et il éclipsa les autres ouvrages du même genre, sa notation cristallographique fut préférée à celle d' Armand Lévy (1837) fondée sur la considération des formes primitives d'Haüy. La notation de Miller est maintenant universalement adoptée.

En 1830 J. F. Ch. Hessel montra qu'il ne peut exister que 32 sortes de symétries dans les polyèdres cristallins, et que seuls les axes de symétrie 2,3;4; et 6 sont possibles. Mais son travail fut ignoré à l'époque et ne fut révélé que soixante ans plus tard par L. Sohnke.

 

Structure cristalline. La notion de réseau.

Gabriel Delafosse, (1796-1878), dernier élève d' Haüy à accéder à la chaire de minéralogie du Laboratoire de Minéralogie du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, en 1857 est considéré comme un des maîtres de la cristallographie. En revenant à la démarche de pensée suivie par Haüy au début de ses travaux, G. Delafosse montra que l'on devait distinguer la molécule intégrante de la molécule chimique. Il rechercha les rapports existants entre forme et structure, ce qui lui permit de dégager la notion de "réseau cristallin" implicitement contenue dans les conceptions d'Haüy. Reprenant autrement le raisonnement d'Haüy sur le clivage, il établit que : "...dans l'intérieur du cristal, les molécules sont systématiquement espacées, de manière à présenter dans leur ensemble une sorte de configuration en quinconce, ou plus exactement l'image d'un réseau continu à mailles parallélépipédiques.... "; et il montre que: "... la molécule intégrante d'Haüy n'est rien autre chose que le plus petit des parallélépipèdes que forment entre elles les molécules voisines et dont elles marquent les sommets, ou si l'on veut, elle n'est que la représentation des petits espaces intermoléculaires ou des mailles du réseau cristallin. Cette dernière est le véritable élément atomique du corps, à part toute considération d'état cristallin: la particule intégrante n'est que élément de sa structure géométrique, quand il s'offre sous cet état particulier....". Ainsi Delafosse substituait au concept de continuité implicitement admis par Haüy, celui de la discontinuité. En cherchant à atteindre la réalité de la molécule physique dans la disposition des atomes qui la constituent, il pénétrait plus profondément qu'Haüy dans l' "essence" même du cristal et donnait un nouvel élan à la science des cristaux. Ses théories résolvaient les difficultés qu'Haüy avait rencontré pour expliquer certaines exceptions à la loi de symétrie dans des espèces minérales telles que la pyrite ou la tourmaline. Pour Delafosse les parties d'un cristal géométriquement identiques ne le sont pas nécessairement au point de vue physique, par suite des différences de structure ou de constitution moléculaires qu'elles présentent. Delafosse critiquait le caractère exclusivement géométrique de la théorie de l'école allemande de Weiss. Il envisageait déjà que les atomes étaient en position d'équilibre dans le réseau cristallin: "....les molécules sont fixées aux points dont nous parlons (les noeuds du réseau), non d'une manière inébranlable, mais dans un état d'équilibre plus ou moins stable..."

Si l'oeuvre de Delafosse constitue une étape décisive dans le développement de la cristallographie au XIXème siècle, c'est à Auguste Bravais (1811-1863) que revient l'honneur d'avoir donné ses premiers développements à la théorie des assemblages réticulaires et fournit les outils mathématiques qui permettaient d'en préciser les caractères. Bravais établit les lois qui règlent les rapports entre la symétrie de la molécule cristalline et celle du réseau qu'elle s'est choisi. Il distingue ainsi 32 classes de symétrie cristalline réparties en 7 sortes d'assemblages réticulaires qui correspondent aux 7 systèmes cristallins d'Haüy et aux 32 sortes de polyèdres d' Hessel.

La théorie de la structure cristalline était donc parvenue à un haut degré de perfection, cependant , avant d'arriver à la découverte de la diffraction des rayons X (1912) qui apportera la preuve expérimentale de la théorie réticulaire, on doit attendre la seconde moitié du XIXème siècle et les découvertes de Sohncke, von Fedorow, Schoenflies et Friedel.

 

PROPRIETES PHYSIQUES

Propriétés optiques des cristaux.

C'est au cours de la première moitié du XIXème siècle que s'élabora peu a peu la connaissance des relations intimes existants entre la symétrie des cristaux et leurs propriétés optiques et notamment de la biréfringence.

En 1808 E. L. Malus découvrit à l'Ecole des Mines de Paris, en regardant des réflexions sur une vitre du Palais du Luxembourg, la polarisation par réflexion. En reprenant l'idée de Newton, il assimila la molécule lumineuse à l'aimant de sorte qu'elle acquiert des pôles et une direction déterminée. Malus reconnut que les deux rayons réfractés sont chacun polarisés dans un plan, et que ces plans sont perpendiculaires l'un sur l'autre.

En 1811 Arago et D. Brewster découvrirent la polarisation chromatique des lames minces cristallines donnant ainsi à la minéralogie une méthode très sensible de détection de la biréfringence.

Jean-Baptiste Biot (1774-1862) en France et D. Brewster en Grande Bretagne examinèrent les propriétés optiques d'un grand nombre d'espèces cristallisées. Biot établit des distinctions entre les cristaux uniaxes et biaxes, positifs et négatifs. Brewster et Wollaston découvrirent les figures d'interférences qui permettent d'établir facilement ces distinctions. Ces recherches, qui démontraient le lien entre les propriétés optiques et géométriques du milieu cristallin furent rassemblées par Brewster dans un important "Mémoire sur les lois de la polarisation et de la double réfraction dans les substances cristallisées" paru à Londres en 1818.

Sur la base de la théorie ondulatoire de la lumière, A. Fresnel réussit brillamment à expliquer les corrélations de propriétés étudiées par Brewster, Biot et Arago. Son "Mémoire sur la double réfraction", paru en 1827, est le point de départ fondamental du développement de l'optique cristalline théorique.

C'est Alfred Des Cloiseaux qui fut le véritable propagateur des méthodes optiques en minéralogie et pétrographie. Il a consacré toute sa vie à la cristallographie géométrique et à l'optique des cristaux: il fut l'un des premiers grands utilisateurs du microscope polarisant. Il perfectionna les appareils de Nürremberg et d'Amici, qui étaient alors en usage, en remplacent la pile de glaces par un prisme de Nicol, et en rendant inclinable, jusqu'à la position horizontale, l'axe du microscope, ce qui facilitait la mesure de l'angle des axes optiques des cristaux immergés dans un liquide d'indice élevé. Dans ses trois grands mémoires (1857, 1858 et 1869) il étudia systématiquement les propriétés optiques de plus de 450 minéraux transparents, en utilisant des préparations qu'il confectionnait lui même étant doué d'une grande habilité manuelle. Il montra que dans les séries isomorphes les propriétés optiques varient avec la composition chimique et insista sur l'importance de ces propriétés dans la définition des espèces minérales. Il détermina celles des plagioclases et donna les premières descriptions du microcline. Complétant les travaux de Grailich et von Lang, il donna la définition des trois modes de dispersion inclinée, horizontale ou croisées dans les cristaux monocliniques. Ses travaux ont constitué la base solide sur quoi à été édifiée la pétrographie moderne.

 

Polarisation rotatoire

En 1812 Biot observa les particularités optiques du quartz dues a la polarisation rotatoire, mais, partisan de la théorie corpusculaire de la lumière, il ne put trouver une explication raisonnable à ses observations.

Ce fut Fresnel qui la donna, et l'année suivante Biot, en étudiant la polarisation rotatoire de divers cristaux et liquides organiques, énonça la loi reliant l'angle de rotation à la direction suivie par la lumière, à l'épaisseur traversée et à la longueur d'onde.

J. Herschel montra la relation qui existe entre a disposition des facettes hémiédriques du quartz et les rotations droites ou gauches de la lumière du cristal, reliant ainsi la polarisation rotatoire à la structure cristalline.

 

Action de la chaleur

La modification des propriétés optiques des cristaux sous l'action de la chaleur a fait l'objet d'intéressantes recherches de Brewster, de Mitscherlich et surtout de Des Cloizeaux.

 

Polychroïsme, couleur

Brewster (1819) entreprit l'étude systématique de l'absorption de la lumière dans les cristaux et établit la relation entre cette propriété et les directions cristallographiques pour les cristaux uniaxes.

 

PROPRIETES CHIMIQUES DES MINERAUX. LA CRISTALLOGRAPHIE CHIMIQUE

Les recherches relatives à la composition chimique des minéraux se sont développés au cours du XIXème siècle, en liaison avec l'étude des combinaisons chimiques et la détermination de leurs formules atomiques.

 

Isomorphisme et polymorphisme.

Au début du siècle Haüy pensait que chaque substance chimique avait son mode particulier de cristallisation et que toutes ses formes dérivaient d'une seule forme primitive.

J.N. von Fuchs en 1817 publia des observations sur la calcite et l'aragonite (les deux formes de CaCO3). Déjà Klaproth en 1788, puis Fourcroy et Vauquelin avaient reconnu l'identité de composition chimique de l'aragonite et de la calcite.

Le mérite essentiel de la découverte de l'isomorphisme et du polymorphisme revient à Eilhard Mitscherlich (1794-1863). Il appela isomorphes deux composés ayant une même constitution atomique, des formes cristallines semblables, cristallisant dans le même système, mais conduisant à des mesures d'angles dièdres entre faces légèrement différentes. La notion d'isomorphisme permit de mieux interpréter la composition chimique complexe d'un grand nombre de minéraux, de leur attribuer une formule simple, en regroupant certains de leurs constituants selon l'idée des substitutions isomorphiques entre certains éléments chimiques proches et de les constituer en séries isomorphes de minéraux. Cette notion s'avéra très importante en pétrographie et fut notamment développée par Hessel en 1826 pour la série des plagioclases.

Mitscherlich avait reconnu que certaines combinaisons chimiques possédaient la propriété de cristalliser sous deux formes différentes, dans des conditions de formations diverses. Il fut ainsi à l'origine de la notion de polymorphisme.

De nombreuses découvertes s'en suivirent et M.L. Franckenheim montra que, sous l'influence de certains agents tels que la température, la structure cristalline pouvait se modifier. A leur suite, l'étude des substances polymorphes a fait l'objet de recherches très précises qui ont eu d'importantes applications dans l'industrie chimique et la métallurgie.

 

Analyse chimique des minéraux

Au cours du XIXème siècle de nombreuses données furent réunies sur la composition chimique des minéraux. Ainsi furent découverts non seulement de nouveaux minéraux, mais de nouveaux éléments chimiques comme le niobium, le tantale, le palladium, le rhodium, l'osmium, l'iridium, l'iode, le lithium, le cadmium, l'indium, le thorium, le lanthane, etc.

Un de plus célèbres des chimistes ''minéralogistes'' est certainement le suédois Jôns Jacob Berzelius, (1779-1848) qui a introduit dans la chimie la distinction fondamental entre chimie minérale (métalloïdes et métaux) et chimie organique (composés du carbone produits par les êtres vivants ou par synthèse). Il a proposé une formulation pondérale moderne des minéraux, avec des lettres pour distinguer les éléments, et des radicaux, toujours utilisée à présent. A son nom est associée la découverte du cérium (1803 avec Klaproth et Hisinger), du sélénium (1817), du silicium (1824) et du thorium (1828) et la description de plusieurs minéraux. Il a rencontré Haüy à Paris à de nombreuses reprises à partir de 1818, et pendant 30 ans lui a envoyé un exemplaire de chacun des minéraux qu'il a décrit.

 

LES ASSOCIATIONS MINERALES DANS LA NATURE

Au cours du 19ème siècle, la nomenclature moderne s'impose, dans laquelle le nom dérive

1) d'une propriété caractéristique

2) du nom de l'élément chimique dominant

3) du nom d'un savant

4) d'une localité.

C'est ainsi que l'on abandonne progressivement les anciens noms pour adopter les noms modernes (on peut citer l'exemple de l'Azurite). Certains élèves d'Haüy se consacrent à la description et la nomenclature.