Historique

Contexte géologique

Les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines

Nouvelles espèces minérales décrite à Sainte-Marie-aux-Mines

Historique

Le district minier de Sainte-Marie-aux-Mines dont les premières traces d’exploitation datent du 10ème siècle est un des plus importants districts argentifères de France et le premier district filonien de ce type, comme le confirmait déjà Monnet au 18ème siècle: " Tous ceux qui ont quelques connaissances de l'histoire des mines devraient compter celles de Sainte-Marie parmi les plus riches et les plus anciennes du monde, surpassant toutes les autres en richesse et en diversité minérales. La quasi totalité des échantillons qui se trouvent dans les collections ducales proviennent de ce complexe minier. Il y a de nombreuses mines en Allemagne, mais il n'y en a aucune qui puisse fournir du métal avec cette diversité. " 

L’exploitation des mines s'y est poursuivie jusqu'au 20ème siècle et du point de vue de l’ampleur de ses travaux miniers, Sainte-Marie-aux-Mines est le district le plus important du massif Vosgien. Les archéologues miniers dénombrent actuellement plus de 1000 entrées de galeries et orifices de puits.

 

Contexte géologique

D’un point de vue géologique, les caractéristiques des divers sites du district sont liées à leur géologie structurale. les gneiss de Sainte-Marie-aux-Mines, dont certains sont d’âge précambrien, sont classés en deux groupes, les gneiss à biotite et sillimanite et les gneiss dits variés qui chevauchent les premiers.

Les filons se sont constitués à partir de fractures préexistantes des couches géologiques. L'ouverture des fractures, provoquées par des mouvements de l'écorce terrestre, a été favorisée par la rigidité relative des roches : c'est le cas des gneiss variés, qui contiennent les filons les plus intéressants pour les mineurs (Neuenberg-Altenberg). Les gneiss à biotite et sillimanite. plus souples, n'ont pas donné lieu à de grandes cassures rigides : les filons sont irréguliers et sinueux (Bluttenberg). Les leptynites se fracturent selon des cassures courtes et nombreuses, régulièrement disséminées: les filons y sont peu étendus, mais peuvent être très riches (versant lorrain).

Des solutions hydrothermales ont circulé dans les fractures en dissolvant les éléments métalliques contenus dans les anciens gneiss. En se rapprochant de la surface et en se refroidissant, elles ont libéré les substances dissoutes, et les ont concentré dans les fractures qui sont devenues des filons. Le plus souvent, les filons ne sont pas constitués dans un plan unique, niais sont composés de plusieurs veines à l'origine de faisceaux filoniens. La succession chronologique des dépôts a été décomposée en six formations:

formation 1: calcite à hématite et quartz calcédonieux. Cette formation s'apparente à la paragenèse observée dans la région du Brézouard

formation 2: surtout cuprifère : carbonates et quartz à cuivre gris, chalcopyrite, cubanite et minéraux à bismuth;

formation 3: arsenic natif, arséniures. La transition entre les formations I et 2 serait marquée par le dépôt de lautite, suivie par la rammelsbergite

formation 4: galène, blende, cuivre gris

formation 5: fluorine et barytine, qui se déposent surtout dans le haut des filons

formation 6: carbonates nobles à minéraux d'argent, formation qui est à l'origine de la célébrité du gisement de Sainte-Marie-aux-Mines.

Les nombreux filons se différencient par leurs directions et leurs paragenèses. Ils peuvent être regroupés en quatre secteurs. Les filons de type Altenberg occupent des fractures généralement nord-sud ou nord-est / sud-ouest. Ils comportent la galène argentifère dans une gangue de sidérite. Plusieurs caractéristiques du secteur de l'Altenberg ont permis d'établir des corrélations entre ce gisement et celui de La-Croix-aux-Mines, ainsi qu'avec des gîtes de Forêt-Noire (Prinzbach et Hauserbach dans la vallée de la Kinzig). Le dépôt de ces minéralisations serait d'âge tertiaire, de façon contemporaine à l'effondrement du fossé rhénan. Les filons de type Neuenberg, de direction est-ouest à est-sud-est / ouest-nord-ouest, présentent les paragenèses les plus variées avec la succession des six dépôts. Ils occupent les vallées du Rauenthal et de la Petite-Lièpvre. Les filons du versant lorrain (Saint-Pierremont, Musloch) se rapprochent du type Neuenberg, mais les cuivres gris antimonifères (tétraédrite) y sont particulièrement riches en argent. Les filons du Bluttenberg présentent une paragenèse mixte et simplifiée, pauvre en argent, qui se distingue par sa zone d'oxydation (chapeau de fer).

 

Les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines

Les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines se distinguent par leur abondance, par la qualité et la variété de leurs cristallisations. Le district doit surtout sa célébrité aux divers minerais et minéraux d'argent.

La production totale d'argent a été estimée à plusieurs centaines de tonnes, la mine la plus riche ayant été Saint-Guillaume au bois de Saint-Pierremont. Des trouvailles historiques ont été rapportées, telle la découverte d'un bloc d'argent natif en 1530, qui produisit un quintal d'argent pur et dont des échantillons furent adressés à l'empereur Charles Quint ; ou encore cette découverte par un mineur du nom de Claus Schirbald d'un bloc d'argent de 592 kilogrammes, dans la nuit du 17octobre 1581.

Les mineurs d'antan ont cependant épuisé les filons. Peu d'échantillons historiques restent encore visibles. bien que la qualité de certains d'entre eux leur ait permis d'échapper à la fonte. Dès le xvie siècle, les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines semblent en effet avoir exercé un certain attrait, de par la qualité de leurs formes cristallines.

Les ducs Frédéric et Guillaume de Bavière, en 1574. demandent des échantillons de minerai au seigneur de Ribeaupierre. En 1576, le juge du pays Haubinsack annonce au même seigneur qu'il a adressé des échantillons à l'archiduc Ferdinand d'Autriche. Au XVIIIème siècle, les cabinets d'histoire naturelle se font plus nombreux. Il nous en reste des traces écrites sous la forme de catalogues, tel le " Catalogue systématique et raisonné des curiosités de la nature et de l'art qui composent le cabinet de M. Davila ", établi en 1768. Monnet signale la découverte, en 1770, de filets entortillés d'argent vierge, formant des paquets ou de petites branches fort fines, qu'on vendit presque entièrement aux amateurs de l'histoire naturelle.

Le Muséum d'histoire naturelle de Paris conserve d'anciens échantillons, parmi lesquels un argent natif du cabinet du roi Louis XVI, en forme de filament contourné de plusieurs centimètres. Le poète Goethe, minéralogiste de talent à ses heures, avait rassemblé dans sa collection deux smaltines et une aragonite coralloïde de Sainte-Marie-aux-Mines.

La collection systématique du Musée de Minéralogie de l’Ecole des Mines de Paris quant à elle conserve une cinquantaine d’espèces minérales provenant de Sainte-Marie: allanite, aragonite, argent, arsenic, carbonate-cyanotrichite, chalcophyllite, chalcopyrite, chloanthite, chondrodite, datholite, flos-ferri, galène, guérinite, haidingerite, hornesite, lautite, monohydrocalcite, parasymplésite, picropharmacolite, pharmacolite, proustite, pyrargyrite, pyromorphite, rammelsbergite, rauenthalite, rossiérite, sainfeldite, safflorite, sphalérite, tennantite, tétraédrite, tyrolite, weilite. Elle conserve aussi des types de minéraux nouveaux décrits à Sainte-Marie-aux-Mines.

D'autres échantillons sont conservés dans des collections publiques ou privées, en France, en Europe et dans le monde. Ceux qui sont parvenus jusqu'à nous ne sont cependant que de pâles reflets des trouvailles d'autrefois. La quasi totalité du minerai était bien évidemment destinée à la métallurgie... Et les trouvailles plus récentes sont encore plus modestes que les échantillons épargnés par l'histoire. Il est assurément regrettable que les meilleurs échantillons n'aient pas été davantage préservés.

Les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines sont enfin remarquables par leur variété, déjà soulignée par Monnet vers 1780 : " Les mines de Sainte-Marie-aux-Mines, le val de Lièpvre, où la plus grande partie des mines de ce district se trouvent, auraient suffi seules dans leur temps de splendeur à de grands détails minéralogiques. " Ou encore : " Les mines de Sainte-Marie surpassaient toutes les autres en richesse et diversité minérales. " Il semble que Monnet soit le premier auteur ayant décrit avec objectivité les minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines ; on lui doit en particulier une étude de la cérargyrite ou chlorure d'argent.

De Dietrich corrobore l'opinion de Monnet. " Peu de travaux ont fourni une variété de minéraux plus grande, plus intéressante et plus précieuse pour les amateurs que ceux des mines de Sainte-Marie-aux-Mines. On en a extrait en différents temps de l'argent vierge, en pointes, en feuilles, en cheveux et superficiel, de la mine d'argent vitreuse, rouge et grise, cristallisée ou massive. " Un inventaire récent distingue plus d'une cinquantaine de minéraux métalliques primaires avec leurs gangues (déposés lors de la constitution originelle des filons) ; autant de minéraux d'oxydation et de cémentation (apparus secondairement après infiltration des eaux de surface) et plus d'une trentaine de minéraux de néoformation (qui cristallisent dans les anciens travaux miniers après la période d'exploitation).

Les minéraux d'argent sont avant tout représentés par l'argent natif le plus souvent en touffes, filaments plus ou moins contournés, ou encore sous forme de dendrites formées d'empilements d'octaèdres parfois allongés. D'autres minéraux d'argent sont représentés par les argents rouges des anciens mineurs (proustite, pyrargyrite), l'argent corné ou cérargyrite, l'argent vitreux ou argentite Plusieurs échantillons de proustite, d'argentite et d'argent natif sont décrits dans le catalogue de M. Davila. Monnet relate une trouvaille, en 1758. d'une masse de plus de 50 livres de minerai massif d'argent rouge mêlé à de l'argent vitreux, dont quelques échantillons furent détachés et conservés dans certains cabinets : ... le plus remarquable est celui qui était surmonté d'un gros cristal d'argent rouge, au milieu duquel il se voyait une branche d'argent vierge, garnie elle-même de très petits cristaux du même argent rouge ". D'autres minéraux argentifères, plus rares, sont représentés par la xanthoconite, la myargyrite. l'argentopyrite, la dyscrasite, la polybasite, l'aramayoite, la pearcéite, la dervillite, la matildite, la pavonite. Par ailleurs, l'argent est inclus dans les galènes et les cuivres gris, qui ont constitué les principaux minerais d'argent au plan économique, du fait de leur abondance.

L'arsenic entre dans la composition de plusieurs minéraux, dont les cuivres gris. A Sainte-Marie-aux-Mines, il est remarquable sous forme de masses importantes à l'état natif, dans les filons Saint-Jacques et Saint-Guillaume. L'arsenic natif se présente sous forme de rognons gris-noir, parfois concrétionnés, plus rarement sous forme bacillaire ou en monocristaux dont la surface s'altère rapidement en provoquant un dépôt d'arsénolite. Il a été exploité à la mine Gabe-Gottes de 1932 à 1940.

Le cuivre a été exploité sous forme de chalcopyrite. dont les cristaux sur quartz de la mine Engelsbourg ont été rangés parmi les meilleurs cristaux connus de ce minéral. Plus récemment, de remarquables agrégats cristallisés ont été extraits d'un filon de calcite et d'ankérite de la mine Armée Céleste, où les cristaux idiomorphes de chalcopyrite atteignent une taille de 7 centimètres (S. Stein et M. Haag, 1987). Les cuivres gris, tennantite et tétraédrite, ont surtout été exploités pour l'argent qu'ils contiennent. Les anciens mineurs les désignaient également sous le terme d'argent gris. Généralement, la tennantite (variété arséniée) domine au Neuenberg, tandis que la tétraédrite (sulfoantimoniure de cuivre) est prépondérante dans le versant lorrain. Ils furent les principaux minerais exploités de ces deux secteurs la tétraédrite contient fréquemment I %, et parfois jusqu'à 5 % d'argent. Le district de Sainte-Marie-aux-Mines aurait fourni près de 5 000 tonnes de cuivre.

La galène représentait le principal minerai d'argent à l'Altenberg. Ses cubes, parfois tronqués, peuvent atteindre plusieurs centimètres tant à l'Altenberg qu'au filon Saint-Louis du Neuenberg. Elle contient environ 0,06 % à 0,1 % d'argent, qui était séparé du plomb par le procédé de la coupellation.

La bournonite est réputée pour ses cristallisations au filon Musloch. La blende ou sphalérite se présente en cristaux idiomorphes, parfois d'une qualité gemme, dont d'excellents échantillons furent découverts il y a quelques années par R. Ubel, D. Bucholtz et H. Loda. La skutterudite a été décrite en cubooctaèdres atteignant 2 à 3 centimètres ainsi que sous forme dendritique. Rammelsbergite et safflorite constituent des boules à structure radiée. Le filon Saint-Jacques est reputé pour sa lautite, dont il constitue l'un des meilleurs gisements connus. La dervillite a été redéfinie par H. Ban et collaborateurs en 1982, après les travaux initiaux d'Ungemach, puis de Weil.

L'érythrine a été trouvée dans les mines Chrétien et de la Treille. Cuprite, cornubite, cyanotrichite, agardite, clinoclase (anciènnement appellé "aphanèse"), parasymplésite, scorodite et bien d'autres minéraux d'oxydation sont particulièrement développés au filon Saint-Jean.

Parmi les minéraux de néoformation, peuvent être mentionnés la monohydrocalcite, et les concrétions d'aragonite aux formes et aux couleurs variées. Au titre des minéraux de néoformation, les arséniates calciques et calcomagnésiens occupent une place de choix. Ils ont été étudiés par R. Pierrot (1964) et H. Ban (1982). Picropharmacolite et pharmacolite constituent les plus répandus d'entre eux. Citons encore la fluckite, la rauenthalite et la phaunouxite (du nom du vallon du Phaunoux, équivalent français du Rauenthal). Le gisement de Sainte-Marie-aux-Mines est considéré comme un gisement type des arséniates calciques et calcomagnésiens. Notons que c'est surtout grâce au travail de quelques amateurs ou professionnels en minéralogie, ainsi qu'aux techniques de la spéléologie minière, le gisement a permis la découverte de plusieurs espèces minérales inédites au cours des dernières décennies.

 

Nouvelles espèces minérales décrite à Sainte-Marie-aux-Mines

8 espèces minérales nouvelles ont été à ce jour découvertes à Sainte-Marie-aux-Mines dont la moitié seulement a été décrite avant 1980.

 

1 sulfosel :

Dervillite Ag2 As S2 Weil 1941

 

7 arséniates :

Ferrarisite Ca5H2(AsO4) 4 9H2O Bari 1980

Fluckite Ca Mn2+ H2 (AsO4) 2 2H2O Bari 1980

Mcnearite NaCa5H4 (AsO4) 5 4H2O Sarp et al. 1981

Phaunouxite Ca3 (AsO4) 2 11H2O Bari et al. 1982

Rauenthalite Ca3 (AsO4) 2 10H2O Pierrot 1964

Sainfeldite Ca5 (AsO4) 2 [AsO3 (OH)] 2 4H2O Pierrot 1964

Villyallenite (Mn2+, Ca, Zn) 5 (AsO4) 2 [AsO3 (OH)] 2 4H2O Sarp 1984